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تاريخ النشر October 9, 2019
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LIBAN : TROIS SYMBOLES D’UN MARIAGE INTERCONFESSIONNEL POPULAIRE ET JOYEUX
الكاتب: Richard Labévière - prochetmoyen-orient.ch

Le village de Ehden, une grande partie du nord du Liban et quelques 7 à 10 000 invités venus de tout le pays et de l’étranger ont fêté – samedi 28 septembre dernier – le mariage du jeune député Tony Frangié avec Lyn Zeidan de Saïda (ville du Liban sud), fille du Sidonien Mohammad Zeidan, président de la zone franche de l’aéroport Rafic Hariri de Beyrouth.
Premier symbole fort : Tony Frangié est Chrétien maronite, la jeune Lyn Zeidan musulmane sunnite. Les deux époux et leur famille ont décidé de se marier – civilement – à Chypre, le mariage civil n’étant toujours pas autorisé au Pays du Cèdre. Cette absence de cérémonie religieuse a voulu, doublement marquer l’aspect interconfessionnel et laïc de l’union, un message fort pour un Liban toujours enclin à raviver ses querelles religieuses et communautaires. Dans un dîner mondain précédant l’événement, l’auteur de ces lignes a entendu – de ses oreilles entendu – un proche de Samy Gemayel – député des Kataëb (parti bien nommé des « Phalangistes ») pérorer en affirmant : « la nôtre au moins, on l’a baptisée ! ». En effet, la future épouse du député phalangiste était d’origine musulmane. Mais pour se marier à un Gemayel, elle avait dû se convertir et rejoindre l’église maronite. Ce baptême forcé, jugée comme une performance, sinon une prise de guerre qui fait songer à L’enlèvement des Sabines – le célèbre tableau de Nicolas Poussin – correspond à la conception ghetto de la chrétienté telle qu’elle a été théorisée par Walid Pharès et d’autres fascistes du parti des Phalangistes qui voulaient à tout prix regrouper les seuls Chrétiens afin de fonder au Liban un « christianistan » ethniquement et religieusement pur ! On reconnaît l’inspiration et les désastres de cette idéologie meurtrière qui fit des ravages durant la guerre civile du Liban (1975 – 1990) et après, notamment entre Maronites eux-mêmes ! En s’unissant – civilement – les mariés de Ehden ont d’abord voulu se démarquer d’une conception étriquée et meurtrière de la chrétienté libanaise, fidèle en cela à la contre-vision qu’a toujours exprimée le père du marié – l’ancien ministre et député Sleiman Frangié -, c’est-à-dire « une chrétienté ouverte et passerelle entre les différentes communautés qui composent le Liban », vision conforme au message le plus essentiel de l’Evangile !
Le deuxième symbole de ce mariage, et même le quotidien de la droite libanaise (14 mars) L’Orient-la-Nuit l’a qualifié comme tel : ce fut un « grand mariage populaire ». En effet, même si de nombreuses personnalités se sont déplacées – Fouad Siniora, Bahia Hariri, Raya el-Hassan, Élie Ferzli, Jamil Sayed et un grand nombre de députés -, la fête a, surtout rassemblé la population de Ehden et des villages avoisinants. L’Orient-le-Jour encore : « des écrans géants permettaient à tous les convives de suivre le déroulement des festivités qui se sont étalées sur la place reliant l’ancien palais présidentiel à la villa du marié. Le lieu a été aménagé et décoré par le Wedding planner Ziad Raphaël Nassar. Tous les restaurants de Ehden, de Zghorta et des villages voisins ont mis la main à la pâte pour assurer aux convives des buffets à volonté et une variété de plats et de desserts. La fête a duré jusqu’aux aurores ». Même si quelques esprits chagrins n’ont pas manqué de critiquer une telle dépense dans un Liban actuellement – il est vrai – confronté à de grandes et réelles difficultés économiques, ils n’ont pas relevé le travail que la manifestation a procuré à nombre de corps de métiers et d’employés libanais. Souvent les mêmes rabats joie d’ébaubissent du mariage des People, des stars du cinéma, de la politique ou de la mode à Las Vegas, Monte-Carlo ou Saint-Jean-Cap-Ferrat en se précipitant sur Paris-Match, Gala, Closer ou Point-de-Vue-Images-du-Monde… alors on se calme… parce que le mariage de Ehden a rassemblé, mélangé et comblé des personnes de tous âges et toutes conditions.
Troisième symbole : la joie, jeunesse et l’avenir du Liban. Ce mariage a, d’abord été festif. L’auteur de ces lignes, qui a parcouru le rassemblement dans tous les sens, a été frappé par une joie réelle, authentique et communicative. Lui qui se rend chaque année à Ehden pour la messe commémorant l’assassinat de Tony Frangié (le père de Sleiman) – tué dans la nuit du 12 au 13 juin 1978 par une « horde sauvage chrétienne » -, a, pour une fois, partagé la joie – oui la joie – des villageois de Ehden, Zghorta et des localités alentours. Et comme dit Spinoza, en définitive il faut mieux cultiver les passions joyeuses que les passions tristes ! En seconde perception dominante : la jeunesse ! Non pas un conglomérat de crétins tatoués ou percés, des écouteurs sur les oreilles, mais une jeunesse des montagnes, bien dans sa peau et ses pompes au coude-à-coude avec ses aînés dans ce que Jean-Paul Sartre appelait un « groupe en fusion », rassemblement d’où émane un message d’avenir pour notre cher Liban dont l’histoire a tellement été tourmentée. Oui, en dernière instance le mariage de Tony Frangié et de Lyn Zeidan adresse le plus beau message d’espoir et d’avenir pour un Liban Laïc, populaire et démocratique.
Message de la rédaction de prochetmoyen-orient.ch : Tony et Lyn, nous vous aimons, nous aimons votre joie et celle que vous avez offert à tous vos invités. Nous vous souhaitons le plus grand bonheur, le plus longtemps possible.